Enfin le sommet. La tension se relâche, une joie intense, immense, laisse jaillir quelques larmes au coin de l’œil. Se tenir debout sur le sommet d’une montagne est jubilatoire, un instant de flottement exacerbé par la fatigue, le manque d’oxygène, le froid… Un moment fugace, à chaque fois renouvelé et partagé avec mes compagnons de cordée, car les guides ne se cachent plus pour pleurer au sommet.

Il y a eu un départ matinal dans le halo de la frontale. Un cercle de lumière qui aide à se concentrer sur ces gestes gourds après une nuit trop courte. Les crampons crissent sur la neige froide, le cliquetis des mousquetons tinte dans le silence et la corde se tend… Le souffle devient de plus en plus court au fur et à mesure que la pente se redresse. Le jour se lève et le sommet n’est plus si loin.

Pourquoi gravir les montagnes ? Parce qu’elles sont là tout simplement, comme le disait l'alpiniste Mallory. Ou parce que, une fois mis le doigt dans l’engrenage, les sommets deviennent une quête du Graal. Sommes-nous des junkies en manque, à la recherche de l’ivresse des sommets ? La haute montagne a-t-elle un pouvoir magnétique auquel aucun alpiniste ne peut résister, malgré les dangers qui la hantent ?